La "Vague Bleue" aurait-elle fait déborder le vase ?
Faute d'actualité sportive cocoricoesque, la bonne vieille "vague bleue" a été recyclée pour les législatives 2007. L'idée originale est intéressante car la métaphore ne se borne pas à une simple image : elle nous propose un cadre conceptuel. Le domaine source (l'eau qui déferle) est projeté sur le domaine cible (les députés élus) sur la base d'une structure schématique commune : dans les deux cas, on a affaire à un phénomène de grande ampleur, autonome, que l'on ne peut arrêter. Les domaines se composent de zones activables, c'est à dire d'éléments que l'on peut mettre en valeur. En l'occurrence, l'importance est ici accordée au "bleu", couleur commune à l'océan (du moins à l'idée que nous nous en faisons) et à la droite. Au delà de la simple image, cette métaphore crée un cadre conceptuel (frame en anglais), dans lequel la vague, élément naturel, amène à la "chambre bleue", très prisée des surfeurs lorsqu'ils parviennent à réaliser un tube. Le problème, c'est que l'image du député UMP cadre mal avec celle du surfeur...
On a pu réaliser dimanche dernier à quel point une métaphore isolée peinait à créer ou entretenir un phénomène social, par essence émergent, donc difficilement prévisible. Ainsi, loin de rester chez lui à regarder pour la 372e fois French Connection (dixit les Inrocks), l'électeur s'en est allé voter, sans faire de vagues...
L'identité de l'inventeur de la "Vague Bleue" est mal connue (un journaliste de Libération, du Figaro, un conseiller en communication de l'UMP...). Malgré tout, la vague s'est propagée avec une facilité déconcertante dans tous types de médias, de gauche comme de droite, à tel point qu'on s'est demandé si la presse et la télévision n'allaient pas créer de toutes pièces un phénomène qui n'avait pas lieu d'être au départ.
A y regarder de près, derrière l'idée de vague et tout ce que cela suppose en termes d'harmonie esthétique se cache une réalité piégeuse. Cela n'a bien évidemment pas échappé à Hokusai lorsqu'il a peint sa célèbre vague de Kanagawa.
Leçon n°1
imposer un cadre conceptuel est une chose ; en maîtriser tous les aspects en est une autre.
Leçon n°2
il n'y a pas eu à proprement parler de "vague rose" ; pourquoi donc les dirigeants socialistes arboraient-ils le sourire des vainqueurs au soir d'une défaite électorale ? Dangereuse attitude car qui ne se remet pas en cause court le risque de disparaître de la scène politique.
Mais on le sait depuis longtemps : rares sont les politiques qui balaient devant leur porte.