vendredi 20 avril 2007

Le mirage du Centre


Si vous n'avez jamais lu mes aventures, ou plutôt celles de mon protégé, vous verrez comment j'ai poussé mon protégé à sortir du pays... bref, à se bouger, s'il voulait chasser les Prétendants qui s'invitaient à table jour après jour, au prétexte qu'ils courtisaient sa mère, (peut-être?) veuve. À l'époque, on ne définissait pas l'accueil, la rapine et les profiteurs comme aujourd'hui, forcément, et on pouvait être tout aussi bien, ou mal, accueilli par ses propres parents que par des étrangers.

... et je péris ainsi, quand je croyais rentrer dans ma demeure, bien accueilli de mes enfants, de mes servantes et de mes esclaves! ...

D'abord, il n'y avait pas d'immigrés, mais des "étrangers". Ensuite, l'accueil se faisait par les citoyens eux-mêmes et, plus particulièrement, par le chef du village, pas par un appareil d'état. Un étranger pouvait craindre, ou espérer, un bon ou un mauvais accueil. Les habitants du village pouvaient écouter les suppliques des étrangers échoués sur leur côte, ou les rejeter. Si les dieux vous étaient favorables, ils pouvaient convaincre les habitants de bien vous accueillir. Mais il fallait se méfier.

On ne s'adresse plus au chef, de nos jours (qui est-ce? le maire? le président? le préfet?). On préfère diriger les nécessiteux à des "centres" (d'accueil* ou de détention, selon les coutumes du pays) gérés par les pouvoirs publics. Parlez de "centres de ...", et on imagine des bâtiments officiels, gérés par des bureaucrates ou, à tout le moins, des employés payés pour accomplir une tâche précise, d'une main experte et, pour tout dire, scientifique. Les centres, parce qu'ils concentrent l'autorité (l'argent, la reconnaissance, les compétences officiellement requises), relèguent les autres "structures" à la périphérie. Surtout, elles nous font croire que nous ne sommes plus responsables, que nous n'avons pas à choisir, puisqu'un "centre" a été (scientifiquement) élaboré pour nous ôter le besoin de choisir, de juger par nous-mêmes et, pire, de prendre des risques. Allez-vous y croire, à ce petit commerce qui vous propose des voyages en Tunisie, alors qu'à côté, vous avez un "Centre Loisir" impersonnel et, probablement, plus efficace?

C'est super: il y a des "Centres" partout, surtout loin du centre, quand il s'agit de "centraliser" ce qui fâche.

C'est bien Gaulois cette notion. La France a une tradition centralisatrice (et, du coup, on parle de "dé-centralisation", comme si ça changeait le fond du problème). En ces temps d'élection présidentielle, on a beaucoup parlé du centre. Malheureusement, contrairement à ce que le centre nous dit, il ne sert pas à réunir, mais à diviser: puisque s'il y a un centre, c'est qu'il y a nécessairement une périphérie. La France, c'est Paris et "la province", les riches et les pauvres, la droite et la gauche, les français et... les autres.

Je me demande si beaucoup d'étudiants qui ont voyagé seraient susceptibles de devenir xénophobes. Dois-je, Mentor, les pousser à défendre leur héritage en leur conseillant de quitter le pays, pour voir si leur père (c'est-à-dire leur espoir) y est?

*Sur la photo, un parlementaire italien dans un "centre d'accueil"... italien!

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